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 « Wallonie : la vérité des chiffres »

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Waterschoot
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MessageSujet: « Wallonie : la vérité des chiffres »   « Wallonie : la vérité des chiffres » EmptyMer 31 Jan - 14:54

Carte blanche du Sénateur Destexhe au soir en prévision du discours de DI Rupo sur "l'Etat de la Wallonie"

L’état de la Wallonie ? Toujours en déclin


Monsieur le ministre président,

Ouvrons le débat sur l’état de la Wallonie. Portée par la croissance mondiale (5%) et belge (3,1%), la conjoncture économique 2006 a été exceptionnelle, pour la première fois depuis 2000. En Flandre, en France, en Allemagne, … le chômage baisse. En Wallonie, il reste aux alentours d’un maximum historique avec 18,5% en moyenne annuelle et 40 000 chômeurs de plus en quatre ans[1]. Entre la fin 2005 et la fin 2006, le taux n’a pas bougé[2] … malgré 3% de croissance : du jamais vu. Le chômage des moins de 25 ans a baissé de 14% en Flandre et de 1,8% seulement en Wallonie. Le chômage de longue durée, celui des plus de 55 ans et celui des jeunes est exceptionnellement élevé[3] : seuls la France d’outre mer et le sud de l'Italie font moins bien en Europe ! Un tiers des 15 à 24 ans disponibles sur le marché de l'emploi est sans profession ! Selon Rudy Aernoudt, « un enfant sur cinq vit dans une famille où personne ne travaille et un sur sept n’a jamais vu un de ses parents travailler ».



Les bons chiffres de la croissance donnent une fausse impression positive. Dans une économie régionale dominée par le poids du secteur public (40% de la valeur ajoutée contre 30% en Flandre) comme aucune autre dans l’Europe des 25 (UE25), le taux de croissance ne reflète pas la création de la richesse privée, celle qui alimente la croissance économique et l’Etat social. Pour rattraper son retard, la Wallonie doit maintenir pendant plusieurs années un différentiel positif de 1% avec les régions voisines. Aucun progrès n’est perçu, ni par rapport à la Flandre[4], ni par rapport à l’Europe. En Wallonie se crée seulement 23,5% de la richesse belge avec 1/3 de la population. Par habitant, par rapport à la moyenne européenne (UE25 = 100), la Belgique se situe à 118,8%, la Wallonie à 85,1[5] (78,3 en UE 15).



Au déclin économique s’ajoute le déclin moral. En 2006, la Région a connu une multiplication d’affaires de corruption sans précédent à Charleroi, dans le logement social, ... Ces scandales ont montré que socialisme pouvait rimer avec affairisme. Depuis des années, à Charleroi, les mécanismes normaux de l’Etat de droit et de la démocratie ne fonctionnent plus, les institutions étant détournées de leur fonction par le puissant PS local. S’il faut signaler les avancées ponctuelles votées, à la suite des scandales, par le parlement wallon (logement, démocratie locale,…), la malgouvernance et le gaspillage des deniers publics restent la norme.


A l’étranger, le seul aspect wallon qui a vraiment émergé au-delà du seuil médiatique critique sont les pitreries d’un de vos ministres qui incarne le cocktail du clientélisme (la fédération liégeoise du PS compte plus d’adhérents que celle de Paris) et d’affairisme (les conflits d’intérêts des activités du député-réviseur attitré du secteur public ne font manifestement pas partie du champ de la rénovation du PS). Au plan culturel, la technique d’instrumentalisation du passé ouvrier, du folklore et des succès individuels wallons est de plus en plus rôdée. La coûteuse campagne d’image autour des « talents wallons » (Justine Henin,…), qui ne doivent leur succès qu’à eux-mêmes, en témoignent.

Bien sûr, le plan Marshall compte des aspects positifs. Les débuts des pôles de compétitivité sont prometteurs[6]. Les success stories ne manquent pas : qui ignore désormais que GSK embauche plusieurs personnes par jour ! Une majorité de Wallons - fonctionnaires, salariés, indépendants, entrepreneurs,…- veulent s’en sortir et gagner. Chacun préfère, moi le premier, s’inscrire dans une dynamique positive plutôt que de jouer les Cassandre. A tous, je dis: bravo et continuons ! Mais quiconque refuse de se joindre au concert optimiste de circonstance dirigé par Elio Di Rupo est suspecté au mieux de pessimisme, au pire d’anti-patriotisme wallon.

Il n’empêche : la réalité wallonne doit être regardée de face. Ce ne sont pas les 2 500 emplois directs prévus par le Plan Marshall qui inverseront la tendance[7]. L’ensemble des efforts et des bonnes volontés ne suffit pas à créer une dynamique de sortie du déclin au niveau régional, comme les chiffres le montrent sans appel. Là où d’autres régions, certaines très périphériques, réussissent, nous continuons à régresser. Ces succès peuvent être d’inspiration libérale (Irlande), sociale démocrate (Finlande) ou mixte, comme l’Espagne qui a divisé son taux de chômage par trois en quinze ans. La clé tient en quelques mots : tenir compte des réalités du monde, analyser en permanence ce qui marche le mieux, libérer les énergies et les enthousiasmes ! Nous fûmes la 2ème région industrielle du monde, nous sommes à l’avant dernière place européenne du cœur de l’Europe prospère. Pour y rester ou simplement pour maintenir l’Etat social, nous devons révolutionner la gouvernance publique, nous doter d’un Etat efficient, avec une taille optimale qui n’étouffe pas les initiatives privées, réformer un système scolaire injuste et inefficace,… Beaucoup trop d’entrepreneurs potentiels et de jeunes dynamiques sortant de l’école – nos meilleurs espoirs – perçoivent encore les pouvoirs publics comme un obstacle ou un simple tiroir caisse à subsides. Je rappelle l’étude McKinsey de 2004 : « le cadre règlementaire, fiscal, social, administratif constitue un frein à la création d’activités ». La situation a-t-elle vraiment changé depuis ?


Respectueusement,

Alain DESTEXHE

Sénateur

Auteur de « Wallonie : la vérité des chiffres »

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[1] Le chômage connaît des variations saisonnières. L’ensemble de la courbe 2006 est supérieure à celle de 2005, elle-même supérieure à 2004, elle-même à 2003. Selon les données IWEPS, le taux de chômage wallon 18% au 31/12/2006 est exactement le même qu’au 31/12/2005 (18,1%) malgré 3% de croissance : ce résultat doit être unique au monde. Pour la même période le taux belge, lui-même fortement influencé par le taux wallon est passé de 14,9% à 13,8%. La baisse est donc due à la Flandre. Selon l’ONEM, le chômage indemnisé a baissé de 6% en Flandre et de 2,8% seulement en Wallonie, il a augmenté de 1,8% à Bruxelles (décembre 2006/2005). Plus révélateur, chez les moins de 25 ans, on observe une chute de 14% en Flandre, 6,4% à Bruxelles et 1,8% en Wallonie.

[2] De 0,1% en fait. En fonction du niveau d’étude le taux de chômage wallon est de 38,3% pour le niveau du primaire, 24,9% pour le secondaire inférieur, 16,9% pour le secondaire supérieur et 6,9% pour les universitaires.

[3] Le taux d’emploi wallon est de 55% (UE25=63,1 ; Hainaut=51,.

[4] Entre 2002 et 2004, les positions des trois régions restent stationnaires. De 23,4 à 23,5% pour la Wallonie, de 57,1 à 57,2 pour la Flandre, de 19,4 à 19,2 pour Bruxelles. A noter que la Région bruxelloise produit l’équivalent de 82% de la Région wallonne.

[5] 2004, dernière année disponible.

[6] A noter toutefois que dans son livre « Flandre-Wallonie, je t’aime moi non plus », Rudy Aernoudt voit dans le Plan Marshall, le choix par l’Etat des secteurs porteurs de demain « certaines caractéristiques apparentées au communisme »: un aspect peu relevé lors de la sortie de son livre.

[7] L’Union Wallonne des entreprises (UWE) prévoit 2 000 emplois directs pour les quatre premiers pôles (Aerospace, Agro-industrie, Biowin et Transport & Logistique, auquel s’ajoute le « génie mécanique »).
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